À la découverte… des Pycnogonides!
Tout le monde connaît les araignées et les scorpions. C’est d’ailleurs triste de voir tant de monde les craindre au point d’en faire tout un plat à chaque fois que l’un d’entre eux s’invite dans votre maison (Rappelons qu’aucune espèce de France métropolitaine non importée n’est mortelle). Si vous vous y connaissez un peu plus, vous avez déjà probablement entendu parler des Limules, Amblypyges, Uropyges ou autres Solifuges, tous de braves Chélicérates malmenés par les actions et peurs humaines. Enfin, pour les amateurs d’animaux disparus, avouez que les Euryptérides vous font toujours de l’effet! Mais il y a un groupe d’animaux leur étant apparentés qui suscite une fascination pour les vrais connaisseurs mais qui est tellement peu connu du grand public que cela sera probablement la première fois que vous en entendez parler: les Pycnogonides!
Commençons par le commencement: Un Pycnogonide, qu’est-ce que c’est? Du point de vue de leur classification, nous pouvons dire que c’est un Arthropode, Chélicérate… Et nous nous arrêterons ici, car contrairement aux autres clades évoqués plus tôt, les Pycnogonides ne font pas partie des Euchélicérates (“Vrais” Chélicérates), nous pouvons en conclure qu’ils sont une forme très basale, c’est à dire avec beaucoup de caractères “archaïques”, du sous-embranchement des Chélicérates. Quand on voit leur tête, nous pouvons nous douter que ce physique est tout droit sorti des mers Cambriennes… Ce qui est logique vu qu’ils sont apparus pendant cette période!
Ces créatures oniriques vivent sur les fonds marins, des littoraux aux abysses, de la chaleur écrasante des fumeurs noirs jusqu’aux eaux glacées des pôles. Les pycnogonides sont répartis en 1 400 espèces, de formes et de couleurs aussi diverses et variées que leurs lieux de vie! En cherchant bien, vous pouvez par exemple trouver Nymphon gracile (ci-dessous) dans le varech dentelé des côtes françaises, à marée basse. Tout comme leurs cousines les araignées, ils ont des chélicères et des pédipalpes, mais ils peuvent avoir jusqu’à 12 pattes longues et grêles. Précisons une autre différence importante: la présence d’une troisième paire d’appendice caractéristique appelée ovigères. Leur tronc peut lui être aussi fin, ou particulièrement trapu. Il est communément divisé en deux parties: le prosoma (la tête et le thorax), et l’opisthosoma (l’abdomen).
Parlons un peu de leur taille: là aussi la diversité est au rendez-vous, certaines espèces ne dépassant pas le millimètre au contraire de Colossendeis (en bas à gauche de la mosaïque) qui fait plusieurs dizaines de centimètres. Le record est battu par un habitant des profondeurs de l’Antarctique (plus de 70 cm d’envergure, une belle bête!). Rassurez-vous, la plupart ne dépasse pas les 2cm, comme c’est le cas pour les espèces françaises par exemple.
Morphologiquement, rien ne va, surtout chez les espèces minces telle que présentée ci-dessus. Un corps qui ressemble au rhizome d’une fougère, 4 yeux montés sur leur tubercule (à défaut de grands chevaux), et des systèmes reproductif et digestif qui n’ont tellement pas de place dans l’opisthosoma (abdomen) qu’ils débordent dans les pattes de l’animal. Heureusement que celui-ci ne se nourrit pas de proies trop vives, sinon la chasse et la digestion seraient forts compliqués! Proies fixes ou très lentes de types polypes, mollusques et vers qu’ils “aspirent” font leur affaire, ce qui leur vaut parfois le surnom étonnant de “Prédateur brouteur”… Mais sous ces airs totalement dysfonctionnels se cachent des faits très intéressants et peu communs… En même temps quand tu viens tout droit du Cambrien… Ce sont par exemple les mâles qui s’occupent intégralement des oeufs, et parfois même des petits jusqu’à un certain stade de maturité, notamment grâce à une paire d’appendices spécialisés appelés ovigères (évoqués plus haut). Les petits peuvent ainsi se séparer de leur père dès qu’ils le peuvent, pour potentiellement aller parasiter d’autres organismes, notamment des bivalves.
De plus, ces animaux sont un véritable casse-tête pour les zoologistes. Premièrement car il n’existe que très peu de spécialistes sur ce clade de part le monde, et ces derniers sont bien embêtés à cause du second point: la classification de ces petites bêtes entre-elles est tout bonnement horrible. Morphologiquement, il en existe de toutes les formes possibles et imaginables (bien qu’elles suivent un même modèle de base). Lorsqu’ils ont voulu clarifier tout cela à grand coup d’analyse moléculaire, donc en étudiant surtout leur ADN mitochondrial (plus efficace que d’étudier un génome entier), ils se sont vite rendus compte que celui-ci n’arrête pas de se “modifier” par inversement de fragments de séquences au fil du temps (donc depuis 500 millions d’années…), ce qui rend leur analyse extrêmement fastidieuse, longue et éreintante. En bref, don’t mess with the old one!
Cette particularité soulève malgré tout un point positif: il y en a encore plein à découvrir, aux quatre coins du monde, des pôles jusqu’aux tropiques! Mais attention, il faudra avoir l’œil et la patience, car ils ne se montrent pas si facilement (la preuve, le Naturaliste Sociopathe a beau avoir raclé des kilos et des kilos d’algues quand il était petit, il n’en a jamais trouvé…). Nous n’avons parlé ni de leur régime alimentaire, ni de leur capacité à se séparer d’une de leurs pattes en cas de danger (l’autotomie, comme pour les lézards), alors, comme il est coutume de le dire, fouinez dans nos sources, elles sont là pour ça (bon, aussi pour faire pro, merci Zotero)!
A la semaine prochaine pour de nouvelles découvertes,
Un Naturaliste Sociopathe, Chacha, Câlinothérapeute, et remerciements à Clémence pour le dessin ci-contre <3.
Sources:
Autour des expéditions scientifiques: Pycnogonides: les spectres des mers. http://edu.mnhn.fr/mod/page/view.php?id=9050. Consulté le 8 octobre 2020.
« Chelicerata ». Wikipédia, 30 août 2020. Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Chelicerata&oldid=174274269.
« Pycnogonida ». Wikipédia, 2 août 2019. Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Pycnogonida&oldid=161491160.
Pycnogonides : Présentation – Le Monde des insectes. https://www.insecte.org/forum/viewtopic.php?t=150944. Consulté le 8 octobre 2020.
« Science et Nature – Araignées de mer fossile et actuelle : les pycnogonides ». Paléodécouvertes sciences-nature.fr, 29 avril 2018, https://sciences-nature.fr/araignees-de-mer-actuelle-fossile-pycnogonides/.
Vila, Irene Lobato. « Spiders from the deep sea: Pycnogonida ». All you need is Biology, 21 décembre 2015, https://allyouneedisbiology.wordpress.com/2015/12/21/pycnogonida/.
Crédit photos:
Art. Male ovigerous sea spider (Pycnogonida). 24 avril 2012. Flickr, https://www.flickr.com/photos/artour_a/7004782434/.
« Pantopodes (Order Pantopoda) ». iNaturalist, https://www.inaturalist.org/taxa/245099-Pantopoda. Consulté le 8 octobre 2020.
Sea spiders – Pycnogonida images UK. https://www.aphotomarine.com/sea_spiders_pycnogonida.html. Consulté le 8 octobre 2020.
« Sea Spiders (Class Pycnogonida) ». Invasive.Org, 2 février 2018, http://www.invasive.org/browse/detail.cfm?imgnum=1586759.
Vila, Irene Lobato. « Spiders from the deep sea: Pycnogonida ». All you need is Biology, 21 décembre 2015, https://allyouneedisbiology.wordpress.com/2015/12/21/pycnogonida/.
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