Chasse aux fossiles à la Doua

Vous y allez tous les jours (ou presque) pour suivre vos cours, réviser à la BU, squatter votre local associatif préféré et bien d’autres choses encore, mais connaissez-vous vraiment la fac ? Saviez-vous qu’entre les bâtiments gris se cachent d’autres merveilles que celles de la connaissance ? Sauriez-vous me dire combien d’espèces résident sur le campus ? (Plus de mille selon les dernières découvertes de nos ami.e.s naturalistes) Mais ce n’est pas de bébêtes galopantes dont je vais vous parler aujourd’hui. Partons à la découverte des trésors du passé cachés sous vos pieds, et dans les murs. 

 

 

Commençons par nous diriger vers le déambu, plus précisément vers une des entrées du patio mais restons dehors pour l’instant ! Jetons un œil aux dalles qui composent les 2-3 marches devant les portes. Sur ces dalles on remarque quelques formes enroulées. Non sans rappeler des cornes de bélier dont le dieu égyptien Ammon inspirera leur nom (et quelques allusions pour paléontologues facétieux) : il s’agit d’ammonites !  

Ces mollusques céphalopodes (littéralement : avec des pieds sur la tête, les tentacules) sont semblables à leurs cousins modernes, les nautiles. Tout au long de sa croissance, l’animal crée une suite de loges séparées par des lignes de sutures, mais ne vit que dans la dernière d’entre elles. C’est notamment grâce à ces lignes de sutures séparant les loges qu’on peut distinguer ammonites et nautiles. Les sutures de nautiles sont procœles (pro- en avant, coele : cavité), c’est-à-dire qu’elles sont concaves dans le sens d’accroissement de la coquille tandis que les ammonites sont opisthocoeles (opistho- en arrière), soit convexes dans ce même sens. On peut notamment le distinguer sur ces sections que l’on voit au déambu. 

Particulièrement abondantes dans le registre fossile (expression employée pour désigner l’ensemble des fossiles connu de la communauté scientifique) , elles sont notamment utiles aux géologues et paléontologues pour dater les couches géologiques entres elles : c’est ce qu’on appelle la biostratigraphie. Ornementées ou non, avec des enroulements parfois inattendus, les ammonites ont été un groupe particulièrement diversifié. La fin du Crétacé sonna cependant le glas de ces invertébrés apparus au Dévonien.  

A présent passons les portes.

Une fois dans le patio, du côté de l’entrée du côté de l’arrêt de tram et du quai 43, au côté de la sculpture métallique représentant l’arbre du vivant, se trouvent plusieurs piliers ornés de dalles de pierres noires. Sachez que celle-ci est désignée sous le nom de pierre bleue (si si je vous assure) belge ou encore de petit granit.  

Ce granit sans -e désigne dans un contexte de constructions tous les matériaux ayant une texture en grain, mais il n’est pas à confondre avec son presque homonyme. Sa nature n’a en effet rien à voir avec le granite géologique (une roche magmatique plutonique acide) mais tout à voir avec le calcaire (le même que dans votre bouilloire). Dans ce calcaire, se retrouve tout un écosystème récifal du début du carbonifère (le tournaisien plus précisément), datant d’il y a plus de 346 millions d’années.  

Le carbonifère c’est ici !

Vous verrez notamment quelques structures hexagonales ressemblant à des ruches : il s’agit de coraux, et plus précisément de coraux tabulés du genre Michelinia. On les reconnait à leur organisation en cellules (pas des cellules biologiques attention) aussi appelées corallites, délimités par des parois de calcite, et l’absence de division de celles-ci. Ces charmants cnidaires n’ont cependant pas survécu à la funeste fin du Permien.  

Michelinia. Photo : Axel Favrot

Un sort partagé avec leurs cousins, les rugueux ou tétracoralliaires, définis par l’organisation de leurs septes (démarcations internes) en symétrie quatre. A l’opposé des hexacoralliaires modernes en symétrie six. Il y en a des formes coloniales et branchues, tel que Siphonodendron, les sortes de petites taches blanches. D’autres formes sont solitaires, tels que les genres Zaphrentites ou Synchnoelasma qui ressemblent aux formes que l’on peut ici observer. 

Nous pourrons également voir en coupe quelques coquilles, non pas de bivalves, mais de brachiopodes du genre Palaeochoristites. Des animaux quoique similaires aux mollusques dans leur possession de deux valves calcitique, diffèrent grandement quant a l’animal à l’intérieur. Les brachiopodes, toujours existant bien qu’en moins grande forme qu’au paléozoïque, possèdent notamment un appendice doté de cils appelé le lophophore, leur servant notamment à l’alimentation. Les bivalves eux filtrent l’eau à l’intérieur de leur coquille. 

Un brachiopode. Photo : Axel Favrot

Au milieu de tout cela, on observe aussi quelques petites ‘’tiges’’ de sections globalement rondes et percées d’un trou. Ces petites pièces appelées entroques, sont les morceaux de la tige d’un animal qui ressemble à s’y méprendre à une plante (et vous rappellera peut-être un certain Pokémon) : le crinoïde. Malgré sa forme il s’agit bien d’un animal, un échinoderme, comme on peut le reconnaitre à la section en forme d’étoile de certaines entroques soulignant leur symétrie 5, qu’ils partagent notamment avec les oursins et étoiles de mer de la même famille.  

Crinoïdes. Photo : Axel Favrot

A présent, regardons aussi un peu aux alentours.

A l’écart des piliers et en regardant de nouveau au sol on peut a nouveau apercevoir quelques restes de céphalopodes : des bélemnites. Le fossile qu’ils laissent, à l’apparence de balle de fusil, est homologue aux os de seiche de ses cousins actuels.  

Dans les zones tirant sur le marron au niveau des portes battantes, se trouvent des cônes en sections : il s’agit de gastéropodes. La famille de nos chers escargots que l’on retrouve encore bien vivants avec leur belle coquille spiralée, qu’on soit dans notre jardin ou au fond des océans. 

un gastéropode. Photo : Axel Favrot

D’autres gastéropodes font également parti du sol d’un autre bâtiment, Astrée, fief de votre cher CQFD. C’est là que nous partons à présent. 

Là-bas aussi en s’attardant sur là où l’on met les pied, on voit quelques objets plus ou moins sphériques. Ces objet appelés oncolithes sont composée de lamines concentriques déposées par l‘action de bactéries autour d’un objet qui va servir de noyau ou nucléus, un caillou de petite taille ou un morceau de coquille. Ces structures appartiennent à la grande ‘’famille’’ des stromatolithes. Des fossiles constituant parmi les premières traces de vie, et plus particulièrement de vie basée sur l’oxygène. Les cyanobactéries responsables de l’oxygénation massive de l’atmosphère le sont aussi de ce type de structure. 

La dernière chose que vous ne pourrez pas louper sur ce sol, ce sont ces vaguelettes en pointe qui coupent le carrelage en deux. Ces figures appelées stylolites sont laissées par la dissolution d’une partie de la roche calcaire sous la pression, laissant alors ces jointures noires.  Et c’est avec ce dernier élément de géologie que je vous laisse !

Cette petite visite paléonto-géologique en photo du campus vous a plu ?  

Pour aller plus loin:  

 Je vous renvoie vers l’excellente clef de détermination des fossiles des pierres de construction par l’association belge Réjouisciences : https://www.rejouisciences.uliege.be/cms/c_14099439/fr/rejouisciences-fossiles-en-ville-les-publications  

Ainsi que les articles du blog Planet Terre de l’ENS :  

https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Img465-2014-06-23.xml (coraux)  

https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Img597-2018-03-12.xml (Bélemnites)  

https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Img464-2014-06-16.xml (oncolithes) 

https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Img598-2018-03-19.xml (fossiles à la part dieu ) 

https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Img697-2021-01-04.xml (géologie depuis chez soit a Lyon)  

https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Img680-2020-06-15.xml (rudistes) 

https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Img735-2022-01-24.xml (stylolites)

Et d’autres ressources : 

https://www.federationpierrebleue.be/la-pierre-bleue/nature-et-origine/

https://www.franceculture.fr/emissions/le-monde-vivant/le-monde-vivant-chronique-du-lundi-17-mai-2021 (anecdote rigolote sur le nommage d’ammonites)  

Un grand merci a Charlotte et Tom pour leurs relectures et suggestions.