Portrait de la semaine : Hirohiko Araki
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Aujourd’hui la chronique culture “Portrait de la semaine” sur le mangaka Hirohiko Araki.
Pour ce nouveau portrait, je vous propose d’entrer dans l’univers artistique de la bande dessinée, et tout particulièrement des mangas. Alors que ces derniers sont très codifiés, Hirohiko Araki va, dans les années 80, créer son propre style qui bousculera complètement cet art.
Hirohiko Araki naît le 7 juin 1960 à Sendai au Japon. Il grandit avec ses deux parents et ses sœurs jumelles. Araki dira que ses sœurs étaient ennuyantes, qu’elles monopolisaient l’attention, et qu’il se sentait exclu vis-à-vis d’elles. C’est pour cela que Araki passera une grande partie de son enfance seul dans sa chambre à lire des mangas et les collections de livres d’art de son père. Il fut également très influencé par l’art de Paul Gauguin, peintre postimpressionniste français et, par Picasso. C’est au contact de toutes ces diverses formes d’art que Araki aurait développé son envie de devenir mangaka, nom que l’on attribue aux auteurs de manga.
Après qu’un ami d’école lui fait l’éloge de ses dessins, il commence à dessiner des mangas dans le dos de ses parents. Il dessinera son premier manga à l’âge de 10 ans mais c’est à l’âge de 15 ans qu’il présentera pour la première fois ses planches à un éditeur. Le succès n’est pas au rendez-vous, ce qui va frustrer Araki qui voit d’autres artistes de son âge se faire éditer. En 1980, il souhaite comprendre les raisons de son échec : après avoir passé toute une nuit à terminer son projet, il décide de se rendre en personne à Tokyo dans les bureaux des éditeurs. Il souhaitait initialement se rendre chez Shogakukan, éditeurs du Weekly Shōnen Sunday, un magazine hebdomadaire de manga publié au Japon depuis 1959. Mais les locaux étant de taille très impressionnante effrayeront le jeune Araki. Finalement, il décide de se rendre chez Shueisha, éditeurs du Weekly Shōnen Jump depuis 1968, magazine de prépublication le plus vendu au Japon toutes catégories confondues, dont les locaux sont plus modestes.
L’éditeur de Shueisha critiquera énormément le travail de Araki, en relevant toutes les erreurs de débutant que présentait son manga. Il reconnaît cependant le potentiel de son travail, et lui suggère de l’améliorer pour le soumettre au concours Tezuka qui a lieu quelques jours plus tard.
Araki quitte dès lors la Miyagi University of Education pour se lancer pleinement dans sa carrière de mangaka. Araki propose son manga Poker Under Arms au concours et termine finaliste. Cette même année, Poker Under Arms est publié dans le Weekly Shōnen Jump. A l’âge de 20 ans, c’est ce qui va marquer ses débuts en tant que mangaka.
Il enchaîne les publications dans le Weekly Shōnen Jump : Cool Shock B.T en 1983, Baoh Raihōsha en 1984 où il explore pour la première fois un côté “gore”. Ce dernier est exporté à l’international et est traduit en anglais dans un mensuel américain Viz Media. En 1984, il publie également Gorgeous Irene où il développe sa signature artistique, notamment avec ses personnages emblématiques musculeux.
Malgré toutes ces publications, Araki n’arrive pas à être satisfait de ses mangas. C’est alors qu’il a une révélation.
Araki est admiratif du cinéma des années 80 avec des acteurs tels que Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenegger et des films comme Blade Runner. Il souhaite aborder dans ses histoires des thèmes comme l’immoralité, la justice, les buts de l’être humain. Il commence son manga JoJo’s Bizarre Adventure (JoJo no Kimyō na Bōken en japonais) en 1987.
Araki dit avoir pris inspiration sur le personnage de Roy Batty dans Blade Runner pour concevoir Dio, un de ses personnages principaux.
Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire, voici un très (trop) court résumé. Dans le manga JoJo’s Bizarre Adventure on suit la famille Joestar sur différentes générations. Le premier arc (partie de l’histoire) se déroule dans l’Angleterre victorienne du XIXe siècle. On suit l’histoire de Jonathan Joestar, fils d’un aristocrate anglais, et de Dio Brando, son frère adoptif. L’arrivée de Dio dans la famille marque le début d’un cauchemar pour JoJo et pour sa descendance, qui se retrouvera maudite.
Les codes du manga de l’époque veulent que les personnages soient japonais et que l’action se déroule au Japon. Or, dès le premier arc, les personnages sont anglais et italiens, et l’action se déroule en Angleterre. Les accoutrements sont d’un genre tout nouveau. Les références musicales à des groupes légendaires comme Led Zeppelin ou Queen fusent, ainsi que les références filmographiques avec un deuxième arc à la Indiana Jones par exemple. Peut-être avez-vous déjà vu les fameuses « JoJo’s Pose », poses improbable et désarticulées que prennent les personnages. Au fil des arcs, les personnages deviennent de plus en plus androgynes, une première dans les mangas.
Toutes ces caractéristiques rendent l’œuvre percutante, unique en son genre. Le premier arc n’est cependant pas le plus satisfaisant pour Araki, qui trouve que Jonathan est un personnage trop lisse, idéal. Pour lui, il n’a pas encore atteint l’apogée de son art. Les codes du manga sont brisés un peu plus à chaque arc et notamment à partir de la partie 3, qui marque un tournant dans l’œuvre. A la demande de l’éditeur, Araki devait apporter quelque chose de neuf à son manga vis-à-vis des pouvoirs des personnages.
Et c’est ainsi que l’auteur imagine sa future « mine d’or », selon ses mots. Ses personnages seront capables de développer un stand, une sorte d’esprit qui sort du corps et qui est capable de se battre avec des capacités surdéveloppées. Araki vient de découvrir une source inépuisable de personnages et de pouvoirs pour ses mangas. Si au départ cet enthousiasme n’était pas partagé par tous, ces stands deviendront par la suite une source d’inspiration pour un grand nombre de mangakas.
JoJo, c’est une œuvre passionnée et très personnelle, gorgée de références, où l’auteur nous emmène dans son monde.
Ça ne ressemblait en rien à ce qui avait été publié dans Jump. Le manga devient une référence dans le milieu et le succès est au rendez-vous. L’auteur continue de publier des histoires en dehors de JoJo.
Hirohiko Araki a révolutionné le style du manga et est devenu une référence. L’homme qui n’arrivait pas à obtenir le succès à ses débuts voit ses planches exposées au Musée du Louvre en 2010 puis au Musée de Tokyo en 2018. En 2012, la version animée de JoJo’s Bizarre Adventures est créée. Un an plus tard, il collabore avec Gucci pour accompagner la promotion de leur nouvelle collection. Araki dessine une des affiches pour les Jeux Paralympiques de Tokyo, initialement prévus en 2020. En 2016, les huit parties de JoJo’s Bizarre Adventures ont franchi le cap symbolique des 100 millions d’exemplaires vendus. Hirohiko Araki est et restera un des plus grands auteurs de mangas.
En cette période de confinement (et bientôt de vacances), je vous propose d’aller découvrir le manga si vous pouvez vous le procurer ou de voir l’animé (les deux premières saisons sont sur Netflix) !
Eve Poulallion
Sources :
IMBD
Mutual Art
Manga News
Le Monde
JoJo fandom
Wikipedia
Journal du Japon
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