La meilleure roche d’Halloween

Spooky Scary Coccoliths ; ou pourquoi Etretat est bâtis sur un cimetière préhistorique

Un nombre incommensurable de squelettes microscopiques,voici ce qui compose la craie, produite en abondance au Crétacé lui donnant son nom. Cette roche sédimentaire (née du dépôt de minéraux) carbonatée (composée de carbonate de calcium CaCO3, le calcaire) est en effet composée de minuscules fossiles (moins de 50 microns quand même) appelés coccolites. 

Mais que sont les coccolites?

C’est ce que nous allons vous dire, attention nous allons répéter plusieurs fois ce joli petit mot et quelques variations, ne nous mélangeons pas !  

Les coccolites sont des cristaux de carbonates ayant une forme particulière (murolite ou placolite mais nous n’entrerons pas dans les détails maintenant) et formant, quand ils sont réunis : une coccosphère,une sphère de coccolites.   

Plus haut nous avons décrit les coccolites comme des fossiles, car oui, en effet ces tout petits objets ont bel et bien une origine biologique. Ce ne sont pas “véritablement” des squelettes d’animaux comme ceux des dinosaures attirant les foules dans les musées d’Histoire naturelle, mais nous n’en sommes pas loin non plus.  

Les architectes de ces œuvres de calcaire sont des algues unicellulaires que l’on appelle coccolithophoridés (pour les hellénistes LV3 vous aurez deviné que le ”phoridé” signifie qu’il s’agit des ”organismes qui portent les coccolithes”).  Plus largement elle appartiennent à la division des haptophytes, les coccolithophoridées étant les seules à minéraliser du carbonate autour d’elles. 

C’est donc la prolifération de ces algues au crétacé qui est à l’origine des falaises de craie normandes. Vous serez donc ravis d’apprendre que l’agréable ville d’Etretat est en réalité bâtie sur un empilement de ”cadavres” d’algues de plusieurs dizaines de millions d’années.  

👻 

(bouh)

Mais ne vous inquiétez pas, il y a peu de chance que vous soyez assailli par une malédiction antédiluvienne si vous y habitez (faites en revanche plus attention aux risques d’effondrement de ces fragiles falaises) ou si vous écrivez sur un tableau noir. Nos amis coccos (excusez la simplification mais cela reste bien plus simple à écrire et à lire que “coccolithophoridés”, et c’est aussi beaucoup plus mignon et affectueux) nous sont au contraire plutôt bénéfiques puisqu’ils sont en première ligne pour lutter contre les gaz à effet de serre.  

En premier lieu parce que ceux-ci, à l’instar du reste du phytoplancton, pratiquent la photosynthèse et donc piègent du dioxyde de carbone en quantité phénoménale. Cocco et autres Dino (flagellées) absorbent ainsi plus de 37 milliards de tonnes de  CO2 par an.  On peut notamment voir le phénomène à l’œuvre lors des marées blanches, ou “bloom” (floraison en anglais) lors desquels ces micro-organismes prolifèrent et colorent la mer du blanc de leur calcaire. D’où le fait que l’on nomme également ces phénomènes des “whitings” (blanchissements).  

Même après la mort de l’organisme, ses structure calcitiques (les coccolites cette fois) contribuent encore au captage du  CO2par les océans : en se dissolvant. En effet, la dissolution des carbonates est un processus qui consomme du dioxyde de carbone dissous dans l’eau. Plus on ajoute de  CO2, plus l’océan accommode en dissolvant des carbonates, qu’il s’agisse de coccos ou de coraux d’ailleurs.  

Et si en ce jour d’halloween vous croisez un fantôme de cocco n’ayez pas peur !  

(en revanche s’il est rouge, qu’il parle russe et qu’il ne possède qu’un seul c, vous pouvez commencer à fuir) 

Axel Favrot ; Eve Poulallion 

Sources et pour aller plus loin :  

Cours de Micro Paléontologie de L3 Géosciences de Emmanuela Mattioli  

https://craies.crihan.fr/

DE VARGAS, Colomban, AUBRY, Marie-Pierre, PROBERT, I. A. N., et al. Origin and evolution of coccolithophores: from coastal hunters to oceanic farmers. In : Evolution of primary producers in the sea. Academic Press, 2007. p. 251-285. 

ORR, James C., FABRY, Victoria J., AUMONT, Olivier, et al. Anthropogenic ocean acidification over the twenty-first century and its impact on calcifying organisms. Nature, 2005, vol. 437, no 7059, p. 681-686. 

https://www.geo.fr/environnement/les-baleines-seraient-bien-plus-efficaces-que-les-arbres-pour-absorber-le-co2-197717

https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/rechauffement-climatique-oceans-pompe-carbone-role-plancton-2625/

https://www.courrierinternational.com/article/2000/09/28/du-plancton-pour-se-debarrasser-du-co2

https://www.courrierinternational.com/article/2000/09/28/du-plancton-pour-se-debarrasser-du-co2

https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/les-algues-a-lassaut-du-rechauffement-climatique-1133879