Le vers est dans l’arctique

Les vers de terre, c’est vachement sympa. Oui ? A priori tout le monde est d’accord. Et pourtant ! Selon les résultats de l’étude que nous allons vous présenter, l’invasion des vers de terre menace actuellement le permafrost. Comment ? Allons en Amérique du Nord découvrir tout ça !

Tout d’abord, notons que dans de larges pans de ce beau continent, les vers de terre natifs sont absents, possiblement parce qu’ils ont été éradiqués durant la dernière glaciation américaine, la même que celle qui a permis le passage des peuplades européennes et leur dispersionsubséquente au Nord et au Sud. Les vers natifs sont donc restreints à la côte Pacifique, au sud-ouest des USA et à des portions du Mexique.

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Les vers européens, eux, ont été introduits par les colons à la fois intentionnellement et involontairement, par le commerce. Ils étendent leur territoire à la vitesse de 5-10m par an, ce qui serait inoffensif si les humains ne leur permettaient pas de franchir des milliers de kilomètres en quelques jours.

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Leur future extension pourrait être affectée de différentes manières par le réchauffement climatique : positivement grâce à l’augmentation des températures ainsi que de la quantité de végétaux, négativement à cause de la baisse de la quantité en eau des sols. La seule étude menée tend à favoriser cette dernière hypothèse, sauf si la hausse des températures est accompagnée d’une hausse des précipitations.

L’impact en termes de biodiversité des vers est assez méconnu : que se produit-il lorsqu’ils changent, par leur action, la densité du sol ? Les seules études existantes sont menées après l’invasion, ce qui est peu pratique pour inférer une causalité, car l’environnement n’est pas contrôlé.

Un des effets remarqués des vers : ils éliminent la couverture organique importante à laquelle les plantes sont adaptées. Les effets sont ressentis sur le règne animal (oiseaux nichant au sol) et végétal (de nouvelles plantes peuvent ainsi envahir les territoires « préparés » par les vers)

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Cependant, la véritable menace pour le permafrost vient de leur capacité à stimuler la croissance des plantes en libérant les minéraux du sol, augmentant l’absorption du phosphate par ces dernières. Les plantes poussent alors de façon plus importante, ce qui verdit les landes (Heath) et prairies (Meadow) de l’Arctique, entraînant une baisse de l’albédo et donc une augmentation de l’absorption lumineuse, accélérant la fonte.

Alors qu’est-ce qu’on fait ? Déjà, on respecte les vers de terre. Ensuite, on protège la biodiversité : plus les écosystèmes sont variés et plus ils sont résilients face à ce genre d’invasions ! N’hésitez pas à donner des coups de pelle au premier promoteur immobilier qui cherchera à transformer un marais en parking/aéroport/salle de sport (ça rime). Et investissez dans un bateau, juste au cas où !

Fabien Sassolas

Sources :

Figure n°1 et n°3 : Invasive earthworms unlock arctic plant nitrogen limitation, Gesche Blume-Werry et al. (https://doi.org/10.1038/s41467-020-15568-3)

Figure n°2 : Non-Native Invasive Earthworms as Agents of Change in Northern Temperate Forests, Patrick J. Bohlen et al. (http://www.jstor.org/stable/3868431?origin=JSTOR-pdf)

Texte : Invasive earthworms unlock arctic plant nitrogen limitation, Gesche Blume-Werry et al. (https://doi.org/10.1038/s41467-020-15568-3)

Ecosystem responses to exotic earthworm invasion in northern North American forests, Nico Eisenhauer et al. (https://doi.org/10.3897/rio.5.e34564 )