Nestor Burma, détective du passé

Connaissez-vous Nestor Burma ? Il y a de fortes chances que non.

Ce « détective de choc » qui « met le mystère KO » selon la description de son auteur, Léo Malet, n’est pas très connu même s’il ne manque pourtant pas d’intérêt. Vous ne trouverez, d’ailleurs, que difficilement des éditions récentes, hormis en compilation : tentez plutôt, si vous êtes intéressé, votre chance du côté des librairies d’occasion où vous pourrez les trouver à 2 € (et en plus ça sauve les forêts).

Nestor Burma est un détective parisien évoluant dans le Paris des années 40 jusqu’aux années 60. La description du décor, précise, et l’argot employé dans le texte – du burlingue pour appartement au feu pour parler d’un pistolet en passant par « colloquer » pour donner – plongent totalement dans l’ambiance de l’époque, pas si lointaine (60 ans à peine) et pourtant si différente.

L’écriture de Malet, d’ailleurs, est marquée par son passage chez les surréalistes, ce qui s’exprime par un humour loufoque et des répliques sensationnelles. « Elle sourit, d’un air aussi franc que celui qu’arborent les hautes parties contractantes le jour de la signature d’un quelconque pacte de non-agression » ou bien ce dialogue :

« Que foutez-vous ici ?

– Affaire privée.

– Oui, oui, je vois. Et le muet ? Privé, lui aussi ?

– Oui, de la parole.

– Rigolez pas. Banlieue ?

– Banlieue rouge. »

Anar durant sa jeunesse, son personnage l’est également ; il garde une certaine défiance à l’égard des forces de l’ordre, qu’il tente plusieurs fois de flouer avec un succès variable. Il est également – et malheureusement – « « séducteur » » comprendre ici relou tirant sur le violeur, et reflète le racisme ordinaire de son époque, dans les sobriquets et comportements qu’il attribue aux gens du voyage ou aux Algériens. Malgré tout, Burma reste globalement un personnage plein de bonnes intentions, qui cherche toujours à éviter l’échafaud aux coupables qui lui sont sympathiques.

En résumé, je vous le recommande chaudement si vous voulez voir la vie quotidienne de Paris (et par ricochet, celle de la France) quelques dizaines d’années en arrière et que vous aimez la langue et l’argot. Attention cependant, Trigger Warning : racisme et viol.

Fabien Sassolas

P.S : en couverture, Nestor Burma contre CQFD, comprendre ici « Ce Qu’il Fallait Dénoncer », un journal (une « feuille ») s’occupant de balancer aux autorités allemandes les gens ne souhaitant pas payer leur silence. Décidément entre ça et le journal anar, CQFD toujours copié (jamais égalé on espère ?)