Portrait de la semaine : Rosalind Franklin

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Aujourd’hui la chronique culture « Portrait de la semaine » sur la chercheuse Rosalind Franklin

Rosalind Franklin

Peu de personnes connaissent le nom de Rosalind Franklin. Pourtant, cette femme est à l’origine d’une des plus grandes découvertes du siècle : la double hélice d’ADN. Cette semaine, nous allons retracer le parcours de cette jeune femme dont le travail commence (enfin) à être reconnu. 

Rosalind Franklin naît en 1920 dans une riche famille juive dans le quartier de Notting Hill à Londres. Elle excelle dans ses études et tout particulièrement en sciences, en Latin et en français. A 11 ans, elle intègre la St Paul’s Girls’ School, un des seuls établissements où la physique et la chimie sont enseignées aux filles. Dès l’âge de 15 ans, contrairement aux aspirations de son père, elle souhaite devenir scientifique. Elle termine sa scolarité avec de si bons résultats qu’elle parvient même à obtenir une bourse pour étudier à Cambridge. La famille de Rosalind est très affectée par la montée du nazisme et la guerre. Ils accueillent des réfugiés juifs de toute l’Europe. Le père de Rosalind lui demande de donner la bourse universitaire qu’elle a obtenue pour Cambridge à un étudiant réfugié. Malgré cela, elle intègre le Newham College de Cambridge à l’âge de 18 ans, en 1938. Elle y étudie la chimie. Elle obtient son doctorat en 1945 pour ses travaux sur la porosité du charbon. Son sujet de thèse est « La chimie et la physique des solides organiques colloïdes avec une référence spéciale au charbon ». Ses travaux permettront de classifier les charbons. Rosalind prédit avec précision leurs rendements pour la production de carburant et pour la production de matériel de guerre, comme les masques à gaz. Dans ces derniers, les charbons permettent de filtrer les particules nocives de certaines armes chimiques et biologiques. 

 Cette dernière année, elle rencontre à Cambridge une réfugiée juive française sous l’Occupation, Adrienne Weil, ancienne étudiante de Marie Curie, qui aura une grande influence dans sa vie et sa carrière et l’aidera à améliorer son français. 

A la suite de la Seconde Guerre Mondiale, Franklin demande à Adrienne Weill de lui dire si des offres d’emplois seraient disponibles en France pour une physicienne chimiste. Adrienne la met en contact avec Marcel Mathieu, directeur du CNRS. Cela mènera à un entretien avec Jacques Mering, un ingénieur français connu dans les domaines de la cristallographie et de la minéralogie. De l’automne 1946 et jusqu’en 1950, Rosalind part à Paris pour travailler au Laboratoire Central des Services Chimiques de l’Etat. Il lui apprendra la technique de diffractométrie des rayons X, qui jouera un rôle très important dans la découverte de la structure de l’ADN.  

Elle retourne à Londres et en 1951, le King’s College de Londres lui offre une bourse pour étudier les fibres d’ADN par diffraction des rayons X. Elle est affectée à l’unité de biophysique dirigée par John Randall. Elle entretient une relation très conflictuelle avec Maurice Wilkins, qui travaille également sur la diffraction sur l’ADN, dans le même laboratoire. Lors du premier jour de Franklin, Wilkins était absent. A son retour, il était certain qu’elle avait été embauchée pour être son assistante. Rosalind et Maurice travaillent également avec un doctorant, Raymond Gosling. 

Rosalind Franklin et Raymond Gosling découvrent deux conformations de la molécule d’ADN qu’ils nommeront A et B. Pour distinguer ces deux formes, ils contrôlent le taux d’hydratation de la molécule. La forme A est la forme « déshydratée », courte et épaisse. La forme B, « hydratée », est quant à elle longue et mince. Le duo prend également le fameux cliché 51, pris après 100h d’exposition aux rayons X, qui prouve que la structure de l’ADN est bien une double hélice. 

Le cliché

Sans en dire un mot à Rosalind, Wilkins montre le cliché 51 à James Watson et Francis Crick, qui travaillent sur la structure de l’ADN à Cambridge.  Watson racontera par la suite « A l’instant où je vis la photo, j’en suis resté bouche bée et mon cœur se mit à battre la chamade ». Watson et Crick s’appuient sur les découvertes de Franklin et Wilkins pour construire un modèle moléculaire de l’ADN. Le 7 mars 1953, Watson et Crick publient dans Nature « leur » fameux modèle de l’ADN en utilisant cette photo. Plus tard cette même année, Rosalind Franklin et Maurice Wilkins publient leurs articles sur le même sujet dans Nature, qui paraissent comme un soutien au modèle de Watson et Crick. 

Rosalind quitte le King’s College en mars 1953 et part travailler au Birkbeck College. Elle y découvrira grâce aux techniques de diffraction des rayons X la structure du virus de la mosaïque du tabac avec Aaron Klug, biologiste et chimiste. Elle collabore également avec des laboratoires américains sur la structure des poliovirus (agent responsable de la poliomyélite). 

Rosalind Franklin décède le 16 avril 1958 d’un cancer des ovaires à seulement 38 ans, probablement lié aux expositions aux radiations durant ses recherches. 

En octobre 1962, le prix Nobel de médecine est attribué à trois hommes, Francis Crick, James Watson et Maurice Wilkins pour leurs découvertes sur la structure de l’ADN sans que Rosalind y soit associée. 

L’Effet Matilda désigne le déni ou la minimisation récurrente de la contribution des femmes scientifiques à la recherche, dont le travail est souvent attribué à leurs collègues masculins. C’est ce qu’a subi Rosalind Franklin, dont le travail sera purement et simplement volé. Comble de l’injustice, ceux qui lui ont spolié son travail seront récompensés d’un prix Nobel. Dix ans après la mort de Rosalind, James Watson minimisera encore son rôle en la décrivant comme une femme acariâtre dans son livre « La Double Hélice ». La famille de Rosalind, Francis Crick et Aaron Klug s’opposeront à cette description, dénonçant un acharnement injustifié et mensonger à l’égard de la défunte. 

Aujourd’hui, la vérité a été faite sur les travaux de Rosalind. En guise d’hommage, elle reçoit le prix Louisa-Gross-Horwitz à titre posthume en 2008. Un prix Rosalind Franklin est créé en 2003 par la Royal Society. En 2019, le rover martien de l’ESA ExoMars est nommé Rosalind Franklin. 

Eve Poullallion

Sources : 

DNA from the beggining 

Biography 

The Guardian 

Futura Sciences 

France Culture 

Wikipedia 

Pour aller plus loin :  

https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/rosalind-franklin-a-2-brins-du-nobel

https://histoireparlesfemmes.com/2014/01/22/rosalind-elsie-franklin-genie-depossedee/amp/