Cent « j’aime » qui en disent long

« Connais-toi toi-même », vous connaissez ? Abandonnez la philo : un ordinateur et une poignée de likes peuvent le faire pour vous. Par contre, ça sera pour vous servir de la publicité… ou pire.

Vous savez sans doute qu’une part importante d’entreprises qui proposent des services, des applications ou des articles gratuits vivent de la revente des données qu’elles collectent sur leurs utilisateurs. Mais qu’en font-elles ? Quelles informations s’y cachent ? Réponse : votre personnalité.

Allo allo monsieur l’ordinateur1

« Perceiving and judging other people’s personality traits is an essential component of social living (1, 2). People use personality judgments to make day-to-day decisions and long-term plans in their personal and professional lives, such as whom to befriend, marry, trust, hire, or elect as president (3). The more accurate the judgment, the better the decision (2, 4, 5). »2

Pour vous le traduire : percevoir et juger la personnalité des autres est un composant essentiel de la vie sociale ; nous utilisons ces jugements chaque jour dans nos décisions et plans à long terme, tant dans notre vie professionnelle que personnelle, comme avec qui nous chercherons à être amis, à nous marier, à qui nous ferons confiance, qui nous embaucherons, ou élirons comme président. Plus le jugement est précis, et meilleur est la décision. Je laisse les liens dans la mesure où ils pointent vers d’autres études soutenant les affirmations présentées.

Bien qu’on pourrait croire qu’il s’agit d’une compétence exclusive à notre cerveau, l’étude montre une précision supérieure de l’algorithme, quelle que soit la proximité de la personne qui juge votre personnalité, sitôt que la quantité de likes que vous fournissez augmente.

Avec plus de 60, il bat vos amis, et avec plus de 150, votre famille. Pour être plus précis, voici un graphique tiré de l’étude :

Figure 1 : http://www.pnas.org/content/pnas/112/4/1036.full.pdf, page 3

Le jugement de l’algorithme sur la personnalité du sujet est comparé à celui obtenu avec un questionnaire de 100 questions permettant de la déterminer que le sujet a rempli lui-même. On fait remplir ce même questionnaire aux collègues, amis, etc. du sujet et on compare de la même manière.

« Big five »3

La personnalité est définie ici selon un modèle en cinq points nommé « Big five personality traits » : cette description en cinq axes de la personnalité est très utilisée de nos jours en psychologie. Les axes sont :

  • Ouverture, sous-entendu d’esprit (openness) ; imagination, capacité à chercher, accepter de nouvelles idées, à tenter de nouvelles choses.
  • Amabilité (agreeableness) : capacité à prendre soin des autres, à avoir de l’empathie, volonté d’aider, de soutenir les autres.
  • Extraversion (extraversion) : la capacité à rechercher la compagnie des autres, l’attention.
  • Capacité à être consciencieux (conscientiousness) : capacité à être autonome, organisé, tendance à avoir un comportement cadré, planifié, davantage que spontané.
  • Névrose (neuroticism) : capacité à éprouver des émotions négatives aisément, comme la colère, l’anxiété, la dépression… Une personne très névrosée est très sensible/nerveuse.

Comme on peut le voir, la précision est variable selon les traits de personnalité explorés. Ainsi, l’ouverture est la plus aisée à diagnostiquer, quand la névrose est la plus complexe. L’étude remarque que les jugements humains sont à peu près à l’opposé : il est assez facile de dire d’une personne si elle est sensible, quand il est beaucoup plus dur de juger son ouverture d’esprit, par manque de facteurs observables : les humains ne sont donc pas tout à fait dépassés (ouf).

En conclusion

Et ces profils, à quoi peuvent-ils bien servir ? Intégrées dans des modèles marketing, ils permettent de concevoir des messages à même de vous toucher, pour que vous soyez séduits par ce superbe baril de lessive, ce bel iPhone à 640 000 € ou même, de façon plus étonnante… ce candidat à la présidentielle4 qui ne vous intéressait pas a priori.

Elles peuvent également être utilisées par les assurances pour estimer le risque qu’elles courent à vous couvrir5 (une personnalité très portée sur l’ouverture et l’extraversion pouvant par exemple prendre plus de risques que l’inverse), et, à l’avenir, pourraient peut-être être utilisées pour juger d’un employé avant de l’embaucher. Qui voudrait d’un névrosé non consciencieux ? (À part nous bien entendu !)

1 : https://www.youtube.com/watch?v=lNI9falAtqY : ne me remerciez pas.

2 : http://www.pnas.org/content/112/4/1036 : tiré de l’étude

3 : https://en.wikipedia.org/wiki/Big_Five_personality_traits et https://www.verywell.com/the-big-five-personality-dimensions-2795422

4 : https://www.theguardian.com/technology/2017/oct/26/cambridge-analytica-used-data-from-facebook-and-politico-to-help-trump

5 : https://www.theguardian.com/technology/2016/nov/02/admiral-to-price-car-insurance-based-on-facebook-posts